LA DIVISION DES POUVOIRS ET LES PARTIS POLITIQUES AU GUATEMALA : l’élection de 2015.
L’État guatémaltèque est une république unitaire, c’est-à-dire qu’il ne possède qu’un seul gouvernement central, une seule constitution, un seul système légal et des forces de l’ordre qui opèrent de façon centralisée dans tout le pays. Cependant, en plus du gouvernement central, il existe des municipalités comme entité juridique autonome avec juridictions précises.
Le gouvernement central est constitué de trois types de pouvoir, autonomes l’un de l’autre, et chacun possède son organisme d’État spécifique.
L’ORGANISME EXÉCUTIF
L’Exécutif a comme mission l’exécution des programmes gouvernementaux pour chaque secteur de l’administration publique. Il se compose de la présidence, de la vice-présidence, des secrétariats d’État, du cabinet (ministres et sous-ministres) et des ministères.
Le président est le Chef de l’État et le Commandant en chef de l’armée nationale. Le vice-président agit en l’absence du président. Le président et le vice-président sont élus directement par la population au suffrage universel. Leur mandat est de 4 ans et ils ne peuvent pas être réélus. C’est la prérogative du président de désigner les ministres, non parmi les élus mais parmi les personnes du pays qu’il juge les plus aptes à assumer ces responsabilités.
L’ORGANISME LÉGISLATIF
Le Législatif, ou Congrès de la République, est formé des députés élus au suffrage universel. Il a comme mission de voter les lois servant l’administration du pays, conformément à la Constitution.
Il existe deux listes de députés : la liste des députés de districts électoraux ou départements et la liste nationale.2
Les députés sont élus pour 4 ans et peuvent être réélus.
Le Congrès élit annuellement une « junta directiva » qui dirige les sessions ordinaires et une Commission permanente qui dirige les sessions non ordinaires.
Processus de présentation des lois
Seuls les députés, l’Exécutif, la Cour Suprême du Justice, l’Université San Carlos et le Tribunal Suprême Électoral sont habilités à présenter des projets de lois au Congrès.
Une fois admis au Congrès, les projets de loi doivent être discutés en trois sessions différentes (excepté ceux considérés d’urgence nationale). Le Congrès vote les lois à majorité simple. Une fois acceptée par le Congrès, la loi est envoyée à l’Exécutif pour sanction définitive et application. Si l’Exécutif ne l’a pas acceptée dans les 15 jours de son dépôt, la loi est considérée approuvée. Par contre, durant ce délai, le Président a un droit de veto et peut la retourner pour modifications.
L’ORGANISME JUDICIAIRE
Le Judiciaire est administré par la Cour Suprême de Justice (CSJ) et le président de l’organisme judiciaire.
La Cour Suprême de Justice est l’organe supérieur de l’administration de la justice. Cette dernière est aussi exercée par la Cour d’appel, la Magistrature des mineurs, le Tribunal du Contentieux administratif, le Tribunal de Seconde Instance des Comptes, les Tribunaux militaires et par les juges de différentes juridictions.
La Cour Suprême de Justice est composée de 13 membres, élus par le Congrès pour un mandat de 5 ans. Le Congrès choisit dans une liste de 26 candidats soumis par une Commission de mise en nomination composée de 1 représentant des recteurs des Universités, 1 représentant des doyens des facultés de Droit, 1 représentant de l’Assemblée générale du Collège des Avocats et Notaires et 1 représentant des magistrats titulaires de la Cour d’Appel.
LES AUTRES ENTITÉS CONSTITUANT LE GOUVERNEMENT CENTRAL
Il existe d’autres entités décentralisées ayant des fonctions qui demandent leur autonomie par rapport à l’État. Il s’agit de la Cour de la Constitutionnalité (CC), le Tribunal Suprême Électoral (TSE), le Ministère Public (MP) et le Procureur Général de la Nation (PGN).
La Cour de la Constitutionnalité a comme fonction essentielle de défendre l’ordre constitutionnel. Elle révise les procédures, les projets ou les situations où se présentent des doutes quant à leur légalité constitutionnelle et elle émet des jugements ou des avis.
La CC est constituée de 5 magistrats titulaires et de 5 suppléants. La CSJ, le Congrès, le Président, l’Université San Carlos et le Collège des Avocats nomment chacun un membre et un suppléant que le Congrès doit par la suite accepter. Leur mandat est de 5 ans.3
Le Tribunal Suprême Électoral est l’autorité maximale en matière de supervision et d’organisation des élections du pays.
Il est composé de 5 magistrats titulaires et de 5 suppléants élus par le Congrès à partir d’une liste de 30 candidats proposés par une commission de mise en nominations.
Le Ministère Public est une institution auxiliaire de l’Administration Publique et des Tribunaux. Il doit veiller au strict accomplissement des lois du pays.
Le Chef du Ministère Public est le Procureur Général de la Nation. Il est nommé par le Président grâce à une liste de 6 candidats proposés par une commission de mise en nomination. Son mandat est de 4 ans.
Il faut ajouter à ces entités : le Contrôleur général des Comptes, l’Institut national de la statistique, l’Institut guatémaltèque du Tourisme, l’Université San Carlos et autres, qui reçoivent leur financement de l’État ainsi que des entreprises publiques tels que l’Institut Guatémaltèque de la Sécurité sociale (IGSS), la Banque du Guatemala, le Crédit Hypothécaire National, la Banque Monétaire, etc.
LES GOUVERNEMENTS LOCAUX
Le territoire de la République du Guatemala est divisé en 22 départements et ceux-ci subdivisés en 338 municipalités qui se subdivisent en aldeas (villages), communautés, etc.
Les municipalités sont des entités juridiques décentralisées dont les représentants sont élus au suffrage universel pour une période de 4 ans. Les candidats aux postes des conseils municipaux peuvent provenir tant des partis politiques que de comités civiques locaux.
Le financement des municipalités provient du gouvernement central qui doit consacrer au moins 10 % de son budget annuel aux municipalités.
LES PARTIS POLITIQUES
L’État garantit la libre formation des organisations politiques au Guatemala. On considère comme organisation politiques : les partis politiques, les comités civiques (en vue de former un parti politique), les comités civiques électoraux et les associations à fins politiques.
Pour exister un parti politique doit réunir un membership constitué de 1 membre par 2 000 habitants. Aujourd’hui, avec une population avoisinant les 14 millions, il faut réunir 7 000 membres.
Les partis politiques peuvent se fusionner entre eux ou former des coalitions temporaires en toute légalité.
Tout parti politique de niveau national, de niveau départemental ou municipal doit compter sur des structures démocratiques comportant une assemblée nationale, départementale ou municipale et un conseil exécutif de niveau correspondant.4
LE PROCESSUS ÉLECTORAL
Tout citoyen âgé de 18 ans a la prérogative de s’inscrire au Registre des Citoyens, d’élire ou d’être élu au suffrage universel. Le vote est un droit, non une obligation. Sont exclus tous citoyens enrôlés dans l’armée et ceux qui ont perdu l’exercice de leurs droits ou leur citoyenneté.
L’élection a lieu à date fixe et pour une période fixe et déterminée à l’avance. L’élection a toujours lieu au début septembre et le déclenchement de celles-ci au début mai. La campagne électorale est donc de 4 mois.
Chaque département constitue un district électoral, à l’exception du département du Guatemala qui constitue 2 districts à cause de son étendue et de sa population. Le nombre de député-e-s à élire dans chaque district est conditionné par le nombre de votants du district à raison de un député par 80 000 votants inscrits sur la liste électorale. Par exemple, le département du Guatemala aura droit de faire élire 30 députés alors que celui d’Alta Verapaz aura droit à 9 et celui de Solola à 3.
De plus, chaque parti politique présente une liste dite « nationale » de candidats. Chaque électeur pourra voter pour un parti (pas un candidat). C’est le nombre de vote que recevra le parti qui déterminera, après un calcul assez compliqué, le nombre de députés qu’il pourra nommer au Congrès. 31 députés seront élus de cette façon. Ainsi, même si un parti n’a pas réussi à faire élire un député, il pourrait avoir un député au Congrès. C’est une forme de proportionnelle.
Soulignons que les électeurs doivent présenter 2 pièces d’identité pour pouvoir voter.
Une fois dans l’isoloir, chaque électeur aura reçu 5 bulletins de vote : un bulletin pour élire les colistiers à la présidence et à la vice-présidence, un pour élire le député départemental et un pour élire les députés de la liste nationale auxquels s’ajoutent un bulletin pour élire le maire et les conseillers de sa municipalité et un autre pour élire le représentant au Parlement centraméricain. Et comme il y a plus de 25 partis en liste, on imagine la liste de possibilités sur certains bulletins de vote.
Soulignons que les candidats à la mairie d’une municipalité sont habituellement alignés sous la bannière d’un des partis politiques nationaux : par exemple, l’Union pour une Nouvelle Espérance (UNE) présente son candidat, le Parti Patriote aussi ainsi que tous les autres partis.
L’élection de la présidence et de la vice-présidence s’effectue en même temps que l’élection des députés au Congrès. Par contre, le/la président-e et le/la vice-président-e doivent obtenir la majorité absolue pour l’emporter. Il y a donc la possibilité d’un deuxième tour d’élection opposant les deux candidat-e-s ayant obtenu le plus grand nombre de votes.
Pour l’élection du 6 septembre 2015, il y a plus de 8 millions de votants inscrits sur la liste électorale. Ils devront élire a) la présidence et la vice-présidence b) les 158 député-e-s au Congrès dont 127 par les districts électoraux et 31 par la liste nationale c) les 20 député-e-s du Parlement centraméricain et leurs suppléant-e-s d) les maires de 338 municipalités et leur conseil. Au total, 3 959 postes à combler et 25 368 personnes sont candidats pour ces postes.5
QUELQUES NOTES SUR LA RÉALITÉ DES PARTIS POLITIQUES DANS LA CAMPAGNE ACTUELLE (mai à septembre 2015)
Pour l’élection déclenchée le 2 mai 2015, plus de 25 partis politiques sont formellement constitués et reconnus par le TSE.
Les plus importants sont l’Union pour une Nouvelle Espérance (UNE), le Parti Patriote et le LIDER. L’élection se fait sous le signe de la contestation contre la corruption et la fraude. Des manifestations monstres à partir du 15 avril dernier, chaque samedi durant 6 semaines, n’auront pas eu la tête du président mais celle de sa vice-présidente. Des candidats à la présidence et à la vice–présidence et comme députés furent refusés par le TSE comme n’étant pas aptes à se présenter.
Pour les progressistes, les partis Union Révolutionnaire Nationale Guatémaltèque (URNG-Maìz) et le Mouvement politique Winaq ont formé une coalition et présentent des candidats à la présidence/vice-présidence tout en demeurant autonome pour la présentation des candidat-e-s aux autres postes pour le Congrès. Le Mouvement pour une Nouvelle République (MNR) présente aussi des colistiers.
Un nouveau parti de gauche a vu le jour. En fait, c’est une démarche de l’Alianza para una Nueva Nacion (ANN) qui s’est transformée en la Convergencia CPO-CRD après un large exercice de démocratisation. La Convergencia est donc l’union du Conseil des Peuples de l’Occident (CPO) et de 9 organisations de divers horizons dont le CCDA qui formaient la Convergencia para la Revolución Democratica (CRD). La Convergencia ne présente pas de colistiers à la présidence mais plusieurs candidat-e-s comme députés de district et sur la liste nationale dont Leocadio Juracan, du CCDA.
Cette année, sur 16 partis qui présentent des colistiers, seulement deux femmes à la présidence et aucune à la vice-présidence; c’est un net recul par rapport à la dernière élection alors que 4 femmes se présentaient à la présidence et 2 à la vice-présidence.
Aux dernières élections en 2011, la Parti Patriote avait fait élire Otto Perez Molina comme président et Roxanna Baldetti comme vice-présidente et avait obtenu 54 sièges, l’UNE-GANA 47, l’UNC 15, le LIDER 14 et CREO 12 alors que les partis de gauche n’en obtenaient que 2.
L’élection se tiendra, dimanche, le 6 septembre prochain.
Yves Nantel
Références :
1- Constitución Política de la República de Guatemala y sus reformas, 31 de mayo de 1985 et novembre 1993.
2- Enciclopedia de Guatemala, La división de los poderes y los partidos políticos, pages 216 à 223.
3- Prensa Libre, abril y junio 2011. Articles traitant du déclenchement des élections de 2011.
4- Prensa Libre, Manuel Hernandez, 31 de julio A un mes de las votaciones, 5 de agosto 2015,
5- Tribunal Suprema Electoral, Ley electoral y de partidos politicos, junio 2011.